Cartes numérales, une numérologie intrinsèque.
note : ce texte a été initialement publié en anglais.
Il est un fait souvent négligé à propos des cartes numérales qui fait qu'une pure approche numérologique par leur valeur passe à côté d'un fait fondamental : les cartes numérales du tarot expriment une actualisation ou une matérialisation différente des nombres dans chaque série, ce pourrait être la seule chose utile à retenir de ce texte. Papus ne pouvait être plus dans le faux que quand il écrivait :
« Si maintenant vous prenez un des paquets des 14 cartes [les enseignes] vous constaterez qu'il est formé de quatre figures et de 10 autres cartes portant simplement des nombres et des symboles pareils».
Notez que dans le petit texte qui suit, on se contentera de considérer les enseignes par leurs nombres, on ne s'attardera pas sur les ornements des cartes numérales qui s'y articulent et qui mériteraient à eux seuls au moins un autre texte, alors en dépit de notre silence sur le sujet, ne les ignorez pas, tout particulièrement en ce qu'ils viendraient soutenir, contredire ou amplifier notre propos.
On peut d'une certaine manière concevoir l'étude du nombre dans les numérales comme on étudie les hexagrammes du Yi Jing - le Classique des Changements - c'est à dire en mettant de côté l'interprétation codifiée « littéraire » - même si le texte est une fondation du classique chinois - parce que la structure visuelle en elle-même apporte souvent une quantité d'informations qui permet de déplier la réponse. Dans le Yi Jing chacune des six lignes d'un hexagramme a une « fonction » de façon assez semblable aux enseignes du tarot qui expriment un domaine ou un élément « général ». Chaque ligne d'un hexagramme a deux états possible (stable ou changeant) mais l'état n'exprime pas la même chose suivant l'étage de l'immeuble où il se produit.
Dans la compréhension du nombre par les numérales du tarot, il faut garder à l'esprit que la représentation du même nombre n'est pas la même dans chaque enseigne. Une approche de la valeur numérologique du chiffre ou du nombre devrait s'accorder à l'expression spécifique de ce même nombre dans la couleur concernée. Voici par exemple le cas du 6 dans les coupes et les deniers. Dans le premier cas deux colonnes de trois coupes, dans le deuxième cas un denier au sommet, un en bas et quatre en carré au milieu dans une disposition caractéristique de la figure Carcer en géomancie.
Une représentation indéniablement extrêmement différent des cartes à jouer standard, où par exemple le 7 est représenté (ou exprimé) par exactement la même disposition dans les piques, carreaux, trèfles et cœurs.
Les cartes à enseignes espagnoles ou plus largement à enseignes latines en revanche offrent bien cette caractéristique mais dans une modalité qui n'est pas superposable à celle des tarots. On notera dans l'illustration ci-après que ce sont encore d'autres modalités dans un jeu italien de Bresciane (notez ici le 7 de coupes).
Dans le tarot, le 7 est représenté dans la série des Deniers par une disposition qui est identique à celle du couple de figures géomantiques Albus/Rubeus (sur l'orientation desquelles tous les auteurs ne s'accordent pas, de même que la carte est ambigüe sur son orientation pouvant évoquer les deux figures).
(note : ce n'est pas le cas de tous les jeux de tarot du type "Marseille", par exemple le jeu d'Ignaz Krebs offre une disposition qui rappelle un autre couple de figures géomantiques, Laetitia et Tristitia, le couple Albus/Rubeus est toutefois une caractéristique de la majorité des tarots de ce type, des plus anciens aux plus récents descendants italiens)
En dehors de l'interprétation géomantique qu'on y pourrait associer, il y a une similarité de structure avec le 3 et le 4 de deniers, nous incitant à lire ce 7 comme 3+4, ce qui peut être signifiant en terme de quantités, ou par sa relation aux 3 et 4 dans une lecture globale.
(note : le 7 de denier n'a pas la même structure dans absolument tous les jeux de tarot, par exemple le tarot d'Ignaz Krebs ne suit pas le motif plus "standard" que l'on trouve dans la majorité des tarots dits « de Marseille » ou du tarot de Viéville, et pourtant il associe lui aussi le 3 et le 4 mais en faisant pointer le 3 vers l'extérieur).
Le même nombre (7) est extrêmement différent dans les coupes, composé d'une ligne de 3 coupes, d'une coupe unique, et d'une autre ligne de 3 coupes, le nombre peut être compris comme 6+1 ou 3+1+3, ou 1 entre deux bandes, sur trois étages ou sur trois plans.
et par sa structure graphique il est beaucoup plus proche du 8 de coupes (3+2+3) que d'aucune autre carte, ce qui nous permet de déplier ici une relation entre deux cartes de la même enseigne.
On peut repérer une autre similarité entre le 6 de coupes et le 8 de Deniers, structurellement très similaires, grossièrement deux colonnes, ainsi on peut aussi établir des relations entre deux cartes de deux enseignes.différentes.
Les épées et les bâtons soulignent la succession des pairs et des impairs de deux façons différentes : dans les épées les impairs offrent une représentation réaliste et matérielle d'une épée (ou de deux épées pour le 10) qui rappelle l'As, et qui est éloignée de la représentation abstraite des épées incurvées tourbillonantes, alors que dans la série des Bâtons les bâtons centraux impairs sont très semblables aux bâtons croisés. On trouve une autre distinction dans le motif de tressage qui est double et périphérique dans les épées et central et unique dans les bâtons. En contemplant seulement les représentations des séries, on peut noter que les épées additionnent deux paires qui « se rejoignent par les extrêmes » quand les bâtons divisent en « opposant par le centre » ; dans l'exemple du 7, dans les épées on voit 3+1 central +3, alors que dans les bâtons s'offre au regard une explosion centrifuge sans la sensation que quelque chose soit contenu, et si il est aussi possible de lire 3+1+3, voilà encore un aspect que l'intelligence de l'œil perçoit mais que les seuls nombres des unités ne suffisent pas à exprimer.
Les nombres des cartes sont une mine d'informations, avec 4 matérialisations (ou immatérialisations) de chaque nombre de 2 à 10 dans les cartes numérales, au delà d'une lecture numérologique, les cartes numérales offrent un cours complet de leur propre numérologie qu'elles nous invitent à déplier dans la lecture.
B.S.G. MMXIIII
Le texte a été mis à jour le 19 septembre MMXXIIII